ÉTHER
(Le passeur des âmes)

Résumé d'Éther

Thriller (2023)

La Terre vient de vivre un jour de catastrophes naturelles sans précédent. Mais s'agit-il vraiment d'une punition divine ? De nouvelles prophéties naissent... L'apocalypse est-elle en marche ? Dans ce monde en perdition, le détective Alexandre Bergayac, secondé par la jeune anthropologue, Charline, tente de démêler un puzzle des plus machiavéliques. Ils seront amenés à s'interroger sur les origines de l'humanité. Mais dans cette série d'enquêtes, les apparences sont bien souvent trompeuses.

Éther, la suite de Dylan ?

Les deux romans ont-ils des points communs ?

Oui : certains personnages (le détective, notamment) et la religion (Panthéon, mythes...).

Éther est-il la suite de Dylan ?

Éther se déroule dans le temps après Dylan, mais il n'est pas gênant de lire Éther sans avoir lu Dylan.

Le mot de Charline

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Feuilleter 68 pages
'Éther' sur Kindle

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Quelques extraits

Une autre manière de découvrir Éther...

Extrait 1

En Seine-Saint-Denis, la guerre civile qui fait rage depuis une semaine fait chaque jour de nouvelles victimes. Théo est seul. Il n'ose pas bouger. Il reste sous les décombres, il a peur, il a froid. Il se tait. Il ne veut pas prendre le risque d'appeler sa maman et d'être découvert. Alors, timidement, il regarde au travers des gravats. Ses yeux d'enfants ne comprennent pas ou plutôt refusent de comprendre ce qu'il voit. Plusieurs personnes sont tombées au sol, grièvement blessées. Du sang, partout.

[...]

Théo est pétrifié. Il ne doit pas encore sortir de sa cachette. Il se souvient des parties de cache-cache quand il allait encore à l'école, avant que tout cela ne commence. Des trucs d'adultes auxquels il ne comprend rien. Pour se rassurer, il imagine et entend ses camarades de jeu compter lentement jusqu'à cent. Il connaît la règle. S'il bouge, il va faire du bruit et il sera immanquablement découvert. À ce jeu-là, c'était lui le meilleur. Alors, il joint ses petites mains potelées et adresse une prière silencieuse. Il ferme ses yeux et demande à Dieu de veiller sur sa maman. Puis, il ose à nouveau regarder à travers l'amas de gravas. C'est un tout petit trou. Il ne peut voir qu'avec un seul œil. C'est un peu flou car il a perdu ses lunettes quand ils ont fui. C'est maman qui ne sera pas contente. Une larme roule sur sa joue. Sa vision se brouille davantage. Il renifle. Il se raisonne car il ne doit pas faire de bruit. Il pose son index sur ses lèvres : "Chut ! Rappelle-toi !" Maman a dit de courir très vite pour se cacher. Il lui a promis de ne pas bouger et de l'attendre. Il faisait beau pourtant ce matin. Il allait pouvoir jouer aux billes dans la cour de récréation. Et puis, il y a eu le gros boum et le ciel est devenu tout gris. Maman lui a pris la main et ils ont couru de toutes leurs forces. Elle a trébuché et s'est tordu la cheville. En boitant, elle n'arrivait plus à avancer aussi vite. Les mauvais garçons les ont aperçus. Alors, maman lui a lâché la main et lui a dit de ne pas s'inquiéter. Elle est une grande personne et elle est forte. Il l'a écoutée et s'est mis à courir très vite, tellement qu'il y avait des papillons argentés devant ses yeux. Et puis, il y a eu un autre boum plus fort. Il s'est retourné : il ne la voyait plus car des parties de maisons se sont écroulées. Il y avait trop de poussière. Au troisième boum, il a eu le temps de se mettre à plat ventre et de couvrir sa tête avec ses bras. C'est sa cachette. C'est là où il l'attend. Les affaires des adultes sont trop compliquées. Il ne comprend pas. Là dehors, des gens se ruent sur les blessés qui gisent dans une mare de sang. Ils fouillent leur poche. Ils prennent ce qu'ils y trouvent et ils vont vers d'autres personnes à terre pour continuer leur pillage. Il ne comprend pas. Les adultes lui ont toujours dit que voler, ce n'était pas bien. Et il a appris aussi qu'il fallait toujours aider son prochain...

[...]

Théo est fatigué d'attendre. Son cœur se serre. Il scrute l'horizon mais ne voit toujours pas sa maman arriver. Ça commence à faire long. Et puis, il a vraiment très froid même si maintenant le soleil est haut dans le ciel. Alors, il se met à rêver. Maman dit toujours que quand on est triste, il faut penser à quelque chose qui donne le sourire. Il se souvient de Noël. Ça, c'est joyeux. Il aime bien cette fête parce que toutes les personnes qu'il aime sont réunies. Il y a mamie qui donne toujours plein de bisous ; parfois, il trouve que c'est un peu trop même s'il ne la voit pas souvent. Il y a aussi des montagnes de bonbons au chocolat et papa, qui voyage beaucoup pour son travail mais qui ne rate jamais un noël et qui est arrivé, cette année, déguisé en père noël. Ça lui a filé la trouille. Il ne l'avait pas reconnu. Maman l'a pris dans ses bras et l'a serré très fort pour le consoler. Non, ça ne va pas parce que ça redonne envie de pleurer. Papa a fini par sortir sa barbe blanche et son bonnet rouge. Il a demandé à son fils de fermer les yeux. Il a écouté sans tricher mais ce n'était pas facile. Quelques très grandes secondes plus tard, il a eu de nouveau le droit de regarder. Il a eu plein d'étoiles dans les yeux. C'est le camion rouge dont il a tant rêvé. Il n'est, cependant, pas très étonné car il a sa prière magique mais c'est un secret. À chaque fois, en tout cas, ça marche. Oh ! Mais il sait tout d'un coup ce qu'il peut faire. Il va utiliser sa magie top secrète. Il se concentre sur ce qu'il désire le plus au monde, marmonne des formules dans un langage codé et souffle doucement pour les amener au loin. Il regarde par le petit trou, impatient de voir le résultat de son action.

Extrait 2

Deux heures du matin et une grande fatigue partagée ! Bras dessus et bras dessous, trois pas en arrière pour deux en avant, quelques virages à gauche et quelques virages à droite alternés transforment la faible distance qui sépare leur voiture de leur domicile en une aventure épique de chaque instant. Julien et Jeanne arrivent enfin à la porte d'entrée de leur logement. Un appui mutuel sur le chambranle permet de stabiliser les mouvements légèrement balancés du duo hilare. Dans cet équilibre fragile, le jeune homme tente à plusieurs reprises de glisser la clef dans la serrure ondoyante. Il cligne des yeux. Rien n'y fait. Sa vue s'entête à rester passablement floue. Entre deux fous rires, la jeune femme réalise, sans trop savoir comment, qu'il ne s'agit peut-être pas des bonnes clefs. Elle fouille son sac avec des gestes incertains et trouve un autre trousseau. Son rire redouble et elle s'exclame en hurlant presque qu'il tient dans ses mains moites le jeu de clefs de la voiture. Nouvelle hilarité. Jeanne le prie d'agir avec promptitude. Elle vient de prendre conscience d'une soudaine envie d'uriner, ce qui provoque un nouvel éclat de rire. Elle se met à piétiner le sol pour tenter de se retenir. Son conjoint essaie de se dépêcher mais cela n'engendre qu'une plus grande maladresse. Il tente de sermonner la serrure dans l'espoir que celle-ci entende raison et cesse de bouger de façon éhontée. Après moult essais infructueux, il parvient enfin à ouvrir cette satanée porte. Ayant la sensation d'avoir accompli un exploit et pour fêter cette victoire inattendue, il couvre la nuque et le cou de sa mie de doux baisers. Elle se rebelle par jeu en riant de plus belle. Soudain, corps penché en avant, elle s'échappe au plus vite en direction des toilettes en heurtant les murs du couloir tantôt à droite et tantôt à gauche.
Julien, prudent, entre nettement plus lentement en se tenant à tout ce qu'il peut. Il se heurte à quelques coins de meubles sans ressentir la moindre douleur. Il ne sait pas comment il a pu s'en souvenir mais il se surprend à vérifier son téléphone. Il a effectivement reçu un appel en absence, il y a quelques heures déjà. Il écoute le message et pâlit. Il dessoûle à peine et, en se passant la main sur le visage, il laisse échapper un juron. Il faut qu'il prévienne le capitaine ! Il omettra bien entendu de préciser l'heure de l'appel. L'adrénaline lui a à peine éclairci les idées. Sa bouche est pâteuse et son environnement est toujours vacillant. Il boit un grand verre d'eau et compose le numéro d'Albert. Il essaie de se concentrer afin d'adopter une attitude la plus naturelle possible. Il se racle la gorge et redresse le torse en agrippant le rebord de la table pour s'assurer une posture à peu près verticale mais surtout stable.
« Chef ! C'est Julien ! On a retrouvé Bergayac ! (Il réfrène péniblement le fou rire qu'il sent monter en lui. Sa voix suraiguë et pâteuse peine à articuler. Elle lui semble tellement lointaine qu'il hurle plutôt qu'il ne parle).
— Je rêve ou tu es complètement bourré ! (Beautiran est dépité : il était sûr de lui et fier de sa prestation).
— On a juste pris quelques verres avec Pupuce pour se détendre !
— Hum... C'est sérieux ! Impeccable ! Que dis-je ! Extraordinaire ! Formidable !
— Chef ! Il faut pas s'énerver comme ça. D'abord, je ne suis pas en service et demain, j'ai pris mon jour.
— Non seulement il hurle, mais en plus il se fout de ma gueule ! Tu avais des consignes, il me semble.
— Alors, si tu pouvais arrêter de crier... et d'abord, je ne me fous pas de ta gueule et pis, j'ai fait ce que j'avais à faire puisqu'on a retrouvé Bergayac !
— Et il est content de lui ! Et il est où Alex ?
— Doucement, ma tête, chef ! En route pour... Attends, c'est presque comme le nom, enfin, ça m'a fait penser aux bottes des cow-boys dans les westerns...
— Il est sérieux là... Tu as de la chance de ne pas être en face de moi !
— Sinon quoi ? 
— Il fait le malin, en plus. Sinon !? Je te ferai dessoûler fissa à coups de tatanes !
— Chef, ma tête !
— Ça, il fallait y penser avant ! Alors, il est où ?
— En route pour... ça va me revenir... 
— Juju ! Tu viens mon lapin, je t'attends. Si tu vois ce que je veux dire...
— J'arrive, Pupuce, pour te croquer...
— Il croquera plus tard, le Juju, et il va surtout se reconcentrer, le Juju, avant que je m'énerve pour de bon !
— Ah ! Bon, ce n'est pas déjà le cas ? (Il éclate de rire bien malgré lui et dans un souffle, entre deux crises, il crie le nom qu'il cherchait tant). Santiago du Chili ! 
— Ben, il va falloir vite décuiter et préparer sa valise. (Le gendarme rit maintenant à gorge déployée).
— C'est la première fois que je te trouve vraiment drôle !
— En fait, je suis sérieux. Tu parles couramment l'espagnol, si mes souvenirs sont bons. Ta mère est sévillane, n'est-ce pas ?
— Oui, mais je ne vois pas le rapport ?
— Au Chili, ils parlent espagnol, non ? Donc, je vais avoir besoin de toi !
— Et pourquoi on part au Chili ?
— Tu le fais exprès, c'est pas possible.

Extrait 3

Les yeux de Bergayac s'arrondissent. Des gouttes de sueur perlent sur son front. La panique, qui s'est emparée de lui, lui coupe le souffle. Il vient de l'apercevoir. Cela ne fait aucun doute. Il s'agit bien de Charline. Bien que sa tête soit baissée, le menton reposant sur son torse, il a reconnu ses cheveux méchés de parme. Inanimée, il en est sûr également. Tel un vulgaire pantin hypotonique transporté par deux colosses tout de noir vêtus. Le taxi arrivé à destination commence à ralentir avant de se garer. Alexandre n'attend pas l'arrêt complet de la voiture. Il ouvre la portière à la volée et se met à hurler, tout en courant à en perdre haleine dans leur direction :
« Arrêtez ! Au secours ! À l'aide ! Je suis détective. Arrêtez ! Je vous en supplie. Aidez-moi ! » Il gesticule, s'époumone, tousse et peine à respirer. Ses joues cramoisies et son corps couvert de sueur trahissent une asphyxie proche. Sa vue se brouille l'espace d'un instant. Il est obligé de ralentir. Son cœur martèle sa poitrine de manière inquiétante. Il titube et s'arrête à bout de souffle. Il porte sa main en grimaçant à l'endroit où une vive douleur lui transperce les côtes. Le désespoir l'envahit. Il n'y arrivera jamais. Et tout ça, c'est de sa faute. S'il n'avait pas oublié de ramener ce fichu CD, rien de tout cela ne serait arrivé... Encore une promesse faite à sa sœur qu'il n'aura pas tenue, lui qui lui avait juré de toujours veiller sur elle, de la protéger et d'être toujours là quoiqu'il arrive. Il essaie de chasser ses vains remords. Ce n'est pas le moment ! Il prend une grande inspiration comme celle que pourrait prendre quiconque venant d'être repêché après de trop longues minutes resté sous l'eau. Son rythme cardiaque s'apaise un peu. Bien qu'il redoute le pire, il relève la tête et ses yeux s’écarquillent à nouveau. Apparemment, ses cris ont été entendus. Sa surprise est démesurée. S'il s'était attendu à cela... Des personnes accourent de toutes les directions, certainement alertées par cet effroyable raffut. Il semble qu'il y ait une bonne vingtaine d'individus qui se soient rassemblés, lui masquant la scène qui se déroule à quelques mètres de lui. Des coups de feux retentissent. Des groupes armés, certainement des milices, comme il s'en est créé dans de nombreux pays tant la situation générale s’est dégradée, interviennent et tirent sans sommations, canons pointés vers le ciel. La foule est dense et le risque trop important.
Bergayac se rapproche pour tenter de voir ce qui se passe. C'est alors que les deux individus portant de grands manteaux parviennent à regagner leur véhicule qui démarre en trombe et s'éloigne à toute vitesse sous une pluie ininterrompue de coups de feu. Ils leur ont échappé : le danger n'est que momentanément éloigné.
Le détective se faufile tant bien que mal, non sans susciter de l'indignation.
«Laissez-moi passer. Je la connais. Laissez-moi ! » Il arrive à l'endroit où Charline gît sur le sol tandis que deux personnes, penchées au-dessus d'elle, se signent et prient. Il s'agenouille et prend avec une infinie douceur, la jeune femme dans ses bras. Il laisse éclater un rire nerveux lorsqu'il comprend qu'elle respire encore. Ils ont dû l’assommer ou la droguer pour éviter qu'elle ne se débatte. Il hurle son prénom à plusieurs reprises pour tenter de la faire revenir à elle. Cela ne suffit pas. Il lui donne quelques gifles. Ses yeux s'ouvrent lentement et elle sourit, soulagée de reconnaître un visage familier. Les gens applaudissent pour témoigner leur joie et se dispersent lentement. L'une des deux personnes restées avec Alexandre l'aide à la relever tandis que la seconde ramène un verre d'eau.
Charline regarde Alexandre, les yeux encore dans le vague et murmure :
« Vous m'avez sauvé la vie ! »
Elle porte à ses lèvres, d'une main tremblante, le verre d'eau qui lui est proposé. Elle boit par petites gorgées et commence à retrouver ses esprits. Il la serre maladroitement contre lui, ne sachant pas trop comment la réconforter :
« Comment vous sentez-vous ?
Elle grimace de douleur.
— Oh la la ! Ma tête !
Cette brusque plainte le fait sursauter alors qu'il remarque une énorme bosse sur son crane. Il lui prend le verre des mains et humidifie un mouchoir qu'il pose sur sa blessure pour tenter de l'apaiser. Il se sent désemparé et gauche.
— Je suis désolé. Ça va aller ?
— Ah ! Bravo, hein ! Grâce à vous, me voilà dans un sacré purin !
Bergayac ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire :
— Oui, ça va mieux, dites donc ! Et éventuellement, pétrin !
— Oui, eh bien, c'est pareil ! C'est la merde ! On fait quoi, hein, maintenant ?

Extrait 4

Le capitaine gare sa voiture à la périphérie du quartier, préférant parcourir à pied les derniers mètres qui le séparent du laboratoire. Ainsi, il préservera son véhicule d'actes de vandalisme potentiellement fréquents dans cette zone malfamée de la ville. L'odeur qui règne dans ce dédale de ruelles sombres est immonde. Des relents d'urine, de vomissures, d'ordures et d’égout se mêlent et génèrent une atmosphère olfactive difficilement supportable même pour un odorat peu délicat, voire insensible. Albert sort avec promptitude un mouchoir en tissu de sa poche afin de s'en recouvrir le nez et de tenter ainsi de contenir la vague de nausées qui l'assaille. Il souhaiterait être aveugle plutôt que de contempler ce théâtre de désolation qui s'offre à lui. Chaque trottoir est une plage où vient s'échouer la lie de l'humanité, tels des navires refoulés par les vagues déferlantes d'une société qui fracasse sans pitié les individus les plus fragiles ou les plus décalés. Le moule est étroit : il n'y a pas de place pour tout le monde. Surtout en ces temps de crise où la compassion n'est certainement plus de mise. Ces êtres oubliés ou volontairement ignorés ont perdu depuis longtemps leur dignité et attendent que la mort libératrice les arrachent de leurs infâmes cartons, bien souvent dans l'indifférence générale, ou au mieux sous le regard empli de mépris des rares passants égarés. Ce dégoût dédaigneux est déjà une sorte d'attention et c'est mieux que rien. Depuis longtemps, l'espoir les a quitté. Ces malmenés de la destinée continuent de rêver dans les vapeurs de l'ivresse ou dans les hallucinations colorées des dernières drogues de synthèse, jusqu'à l'overdose salvatrice. Ils quittent souvent ce monde comme des chiens, sans que personne ne les regrette. Ils restent là, gisant sur les pavés crasseux, plusieurs jours durant, n'éveillant l'intérêt que de quelques rats affamés venant ronger leurs corps putrides.
Le capitaine effectue encore quelques pas, au milieu des papiers gras virevoltants, et oblique sur la gauche. Il pousse la porte crasseuse et opaque d'un bistro à l'aspect sordide.

Extrait 5

La chambre est de dimension modeste mais confortable. Bergayac est exténué. Ce à quoi il pense avant tout est de prendre une bonne douche bien chaude. Il ouvre la valise, qu'il a déposé sur le lit recouvert d'un épais édredon aux couleurs vives, afin de se munir de ses effets de toilette. 
Stupeur ! Sous le sac poubelle, le pot de mayonnaise a littéralement explosé, éclaboussant de son contenu huileux l'ensemble de ses affaires. Il aurait pu hurler tous les jurons de la terre que cela n'aurait rien changé. Son épuisement est tel qu'il n'a pas la force d'une telle ire. Il ressent simplement une vague de tristesse l'envahir tant ses nerfs sont sur le point de lâcher. Il s’assoit résigné et dissimule son visage dans ses mains ouvertes. Il est tellement éprouvé par ce voyage que ce n'était vraiment pas ce qu'il souhaitait. Il est des situations où le sens de l'humour disparaît et laisse place au plus grand désespoir. C'est vain... Il a beau le savoir mais c'est plus fort que lui. Il se laisse gagner par l'apathie. C'est l'incident qui, dans des circonstances pareilles, terrasse sans aucune pitié. Une sorte de mise à mort implacable. Il lui faut quelques temps avant de retrouver le courage d'agir. Il faut bien faire quelque chose. Cela ne peut pas rester ainsi. Il soupire. Comment faire ? Il souffle son exaspération. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas possible. Toutes ses affaires sont certainement fichues ! Bon, le séjour est court. Cela devrait aller. Mais, non ! Ça ne va pas du tout ! Peut-être que certaines d'entre elles ont survécu et qu'avec un peu de chance, il pourra revêtir des habits propres après sa douche, qui commence à apparaître comme une douce chimère qui s'éloigne inexorablement. 
Courage ! Avec une grande délicatesse, il retire les morceaux de verre. Il ne manquerait plus qu'il se coupe. La cerise sur le gâteau. Agir lentement en prenant son temps devrait lui permettre d'éviter le pire. Les morceaux dans les mains, il envisage de les jeter. La poubelle ? C'est malin ! Il fallait y penser avant ! Il commence ses recherches mais la mayonnaise sous l'effet de la chaleur de ses mains commence à fondre et à goutter sur la moquette pastel qui revêt le sol de la chambre. Il accélère le pas et aperçoit l'objet convoité sous le bureau, hors d'atteinte. C'est plus drôle... Cela permet de pimenter la situation. Il tend la jambe afin de l'amener à lui. Il manque de perdre l'équilibre à plusieurs reprises mais il y parvient. Il appuie sur la pédale afin de lever le couvercle. Un petit claquement émane de l'objet qui reste irrémédiablement clos. Alexandre s'agenouille et comme il a les mains encombrées, il essaie d'ouvrir le couvercle avec son coude. La poubelle décrit un mouvement de recul. Surtout garder son calme ! À l'aide de son autre bras, il tente de retenir le récipient particulièrement récalcitrant alors qu'il actionne à nouveau le couvercle. Il transpire. Il tremble tant les tentatives vaines se multiplient. Enfin, il parvient à l’entrebâiller. "Attention ! Concentre-toi ! Tout faux mouvement est proscrit !" Il exulte. Les bris de verre sont enfin dans le réceptacle ! Il se surprend à danser d'un pied sur l'autre tant ses nerfs ont été mis à rude épreuve. 
Plus apaisé, il l'approche du lit. C'est alors que le couvercle en profite pour se refermer sur ses doigts. Il grimace plus d'énervement que de douleur. Cette guerre se transforme en un véritable cauchemar dont il ne perçoit pas l'issue. "Reprends-toi !" Il relève le couvercle et constate avec un certain soulagement que la poubelle, certainement de guerre lasse, finit par capituler et consent à rester ouverte. Alors qu'il élimine les bouts de verre les uns après les autres, avec des gestes mesurés et minutieux, il secoue la tête de dépit : une si bonne mayonnaise, quel gâchis ! Ses yeux s'humidifient, sa vue se trouble tant ce spectacle le désole. Il se trouve un peu ridicule de réagir de la sorte mais ses nerfs ont été mis à rude épreuve ces dernières heures. Il ne refoule pas cette soudaine affliction qui l'envahit. Maintenant qu'il a terminé (lui semble-t-il) d'enlever tous les débris sans se couper, il ne retire aucun soulagement de cette prouesse et regarde le gros paquet de sauce lové au milieu de ses affaires, perplexe et ne sachant pas comment procéder pour l’ôter de là. Il se lève et effectue quelques pas en tournant en rond, à l'image de ses idées dans sa tête. Il se dirige vers la salle de bain, comme ça, sans but apparent car il est évident qu'il faut qu'il résolve ce problème avant de se détendre sous la douche, s'il parvient à la prendre un jour. Et c'est alors qu'il l’aperçoit. L'objet le nargue presque... Mais oui, la voilà sa solution ! À défaut de cuillère que les regrets ne feront pas se matérialiser, un verre à dents pourra la remplacer. Pourquoi pas ? En tout cas, il l'espère ! D'abord, le sortir de l'emballage qui garantie son usage unique. Le tout est de trouver la brèche qui permettra de dérouler le plastique fermement attaché à l'objet. Encore un qui remplit sa mission de manière obstinée, tel l'employé attaché à l'excès au règlement dont il ne dérogera pas envers et contre tout bon sens. L’obsessionnel du microbe peut se rassurer. Aucune personne n'a suffisamment d'habileté pour extraire le verre, l'utiliser et le remettre dans l'emballage, ni vu ni connu. Et dire que des individus, ingénieurs qui plus est, sont payés des fortunes pour concevoir des ouvertures dites faciles qui grugent, quasiment à chaque fois, l'utilisateur naïf et plein de bonne volonté pour se plier à un système supposé ingénieux. Pour ouvrir, tirer ici. Tu parles ! Il fulmine en contemplant la languette déchirée qu'il tient entre son pouce et son index. OK ! Reste calme. C'est alors qu'il mord à pleines dents dans l'emballage, le déchirant avec une grande barbarie tant sa rage est puissante. Au diable les ouvertures faciles et leurs promesses fallacieuses ! L'objectif est atteint. Au diable aussi l'élégance et la distinction ! Armé de son verre, il se sent prêt à vaincre l'envahisseur inopportun qui a souillé irrémédiablement le contenu de son bagage manifestement mal traité. Ça y est l'extraction de la mayonnaise s'est révélée être un succès total. Au terme de ce pénible conflit, l'heure est au bilan.

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